En deux ans, la RSE est passée de sujet périphérique (« Oui oui, tu as raison, tu peux en parler à mon responsable RSE ») à composante majeur des plans stratégiques. Les Mercis du retail imaginés par Diamart ont montré à quel point le mouvement était profond et sincère (www.??).
Pourtant, je constate chez mes clients une véritable ambivalence : ils sont désireux d’engager leur entreprise et revendiquent nombre d’initiatives intéressantes… mais rares sont ceux qui ont une vision articulée du chemin et de la cible. Une liste d’initiatives, ce n’est pas une stratégie.
Pourquoi est-ce difficile ? En partie parce que c’est objectivement difficile de rendre responsables des modèles qui n’ont pas été conçus pour cela. En partie parce que les entreprises manquent de compétences dans ce domaine (comme c’était le cas pour le digital voici 10 ans). Et en partie parce que c’est mal balisé, y compris sur le plan des méthodes.
Les cabinets spécialisés en RSE conduisent des évaluations d’impact des initiatives, et proposent des priorités basées sur un classique « pain / gain ». Ce faisant, les retailers risquent de manquer deux points déterminants:
- L’engagement RSE n’est consistant que s’il touche au coeur du business model. Si ce n’est qu’une surcouche, si c’est une cerise (même jolie) posée sur le gâteau et non une évolution du gâteau… ça sera sympa et valorisant, mais ce ne sera ni profond ni durable.
- L’engagement RSE n’est durable que s’il est rentable. S’il consiste à assumer un surcoût non générateur de performance, il ne survivra pas à la prochaine restriction budgétaire. Pour être rentable, il doit être absorbable en termes de coûts et de complexité, et générer de la préférence chez les clients et les collaborateurs. Il doit donc être visible et marketé : on peut être vertueux ET sexy.
Ces convictions orientent la démarche que nous mettons en oeuvre avec nos clients pour définir leur stratégie RSE et sa feuille de route. Nous pensons qu’il faut combiner :
- Une évaluation solide des impacts et de l’accessibilité des gains. C’est la base. Et il faut se concentrer sur ce qui a un fort impact, c’est à dire bien souvent les produits.
- Une réflexion de fond sur l’intégration de la RSE dans le coeur du business model : comment opérer notre coeur de métier d’une manière plus responsable, sans alourdir à l’excès coûts et complexité ? Cela suppose une compréhension intime des réalités du métier.
- Une identification des drivers de préférence clients et collaborateurs : chaque retailer devrait se choisir 1 ou 2 combats (qu’il doit préempter sur son marché, avec une ambition forte incarnée dans des preuves très visibles) et pas plus de 4 ou 5 chantiers au total. Sinon, la RSE sera un coût sans payback… donc fragile. Le choix de ce(s) combat(s) est déterminant : il doit être pertinent en termes d’impact comme en termes de préférence clients et collaborateurs, réaliste sur le plan économique, mais aussi en résonance avec l’ADN et l’image de l’enseigne. Les engagements RSE qui tombent du ciel ne sont pas crédibles.
Un magnifique exemple est la réparabilité chez Darty : fort de son hyper-crédibilité sur le SAV, Darty a placé cet enjeu (et sa monétisation, Darty Max) au coeur de sa stratégie. C’est impactant en termes carbone, c’est pertinent pour les clients, c’est rentable, ça capitalise sur 50 ans d’histoire, et personne ne peut rivaliser avec Darty sur ce plan. Exemplaire !
Cédric Ducrocq
PDG du Groupe Diamart