NEGOCE CONNECTE – le 18 mars 2021
Wizaplace. « Le modèle des marketplaces est en hyper croissance »
Diamart Connect : Pouvez-vous nous présenter Wizaplace ?
Éric Alessandri : Créé en 2015, Wizaplace est un éditeur spécialisé dans la création de marketplaces. L’activité a démarré à partir d’une solution informatique dédiée au secteur de l’appareillage auditif, que j’avais créée. En effet, je suis audio prothésiste diplômé d’État, mais j’ai toujours adoré l’informatique et j’ai appris à coder et à développer il y a des années. En créant Wizaplace, j’ai voulu révolutionner le « time to market ». Là où il fallait 1 à 3 ans pour créer une place de marché, Wizaplace propose un déploiement entre 3 et 6 mois. Nous avons aussi révolutionné les coûts, avec un budget 2,5 fois inférieur à ce qui se faisait sur le marché auparavant.
Diamart Connect : Wizaplace fait un virage vers le B-2-B. Pourquoi ?
Éric Alessandri : Au départ, nous attaquions tous les marchés, avec des projets très variés (plateformes classiques de ventes entre fournisseurs et particuliers, mise en relation entre particuliers dans le style d’Uber ou d’AirBNB, etc.). Mais compte tenu de la dynamique du marché, nous avons abandonné le développement de marketplaces B-2-C depuis 2019. Par ailleurs, notre technologie nous permet de faire de l’usage B-2-B en intégrant les spécificités techniques liées aux fournisseurs et aux acheteurs professionnels. A ce jour, on ne fait quasiment plus que du B-2-B, avec des projets de marketplaces pour centrales d’achats chez Sevea (Groupe Villaverde), dans la GMS et aussi chez Warmango, dans l’univers de la plomberie.
Diamart Connect : Votre travail avec Warmango est un cas d’école justement…
Éric Alessandri : Absolument. Warmango opère sur le marché de la plomberie en B-2-B : ses clients sont des plombiers professionnels qui s’outillent dans le cadre de chantiers de rénovation. Ce marché restait extrêmement traditionnel et peu digitalisé quand Warmango est arrivé il y a 18 mois. Mais ils ont fait un choix très fort : au lieu de faire de l’e-commerce, ils ont choisi de passer directement à une marketplace. Ils ont ainsi sauté beaucoup d’étapes, en créant d’emblée une taille de catalogue immense (50.000 produits à date), plutôt que de faire grossir progressivement une offre restreinte, via un modèle e-commerce. Les résultats sont colossaux : Warmango voit son volume d’affaires croître d’environ +35 % par mois. On sent que le marché plébiscite ce modèle de « One Stop Shop » : les plombiers veulent gagner du temps, ils ne veulent pas d’un catalogue dispersé sur une multitude de sites e-commerce.
Diamart Connect : Quels sont les facteurs clés de succès en B-2-B ?
Éric Alessandri : Il est indispensable de s’adosser à un spécialiste du B-2-B pour intégrer la complexité du marché : conditions de paiement (à 30j ou 40j selon les entreprises), conditionnement (par palette), transport, etc. En B2B, vous envoyez des palettes en camion, pas des colis dans les boîtes aux lettres. Le processus de commandes est aussi très différent : là où un client B-2-C est identifié via son e-mail et son n° de carte bancaire, un client professionnel peut avoir des dizaines d’adresses de contacts. La validation d’une commande implique plusieurs interlocuteurs. Il y a aussi des informations légales à intégrer, comme la taille du capital et le casier judiciaire du dirigeant. La gestion du prix est, elle aussi, spécifique : en B-2-B, le prix varie selon la taille de l’acheteur. Vous ne vendez pas au même tarif à une entreprise du CAC 40 et à une TPE locale.
Diamart Connect : Va-t-on vers un modèle comme la Chine, où plus de 90 % de l’e-commerce se fait en marketplace ?
Éric Alessandri : Oui, absolument ! Au niveau mondial, plus 60 % de tout ce qui se vend sur le Web passe par des marketplaces…alors que celles-ci ne représentent que 1 % des sites. Et ce n’est pas lié à l’hyper domination d’Amazon et de Tmall : Amazon ne pèse que 10 % des ventes de marketplaces au niveau mondial. Le modèle des marketplaces surperforme par rapport au marché, leur part de marché est en hyper croissance car les utilisateurs ne veulent plus acheter sur des sites e-commerce. Selon les études de Gartner et de Forrester, en B-2-B, 75 % des ventes en ligne se feront sur des marketplaces en 2022.
Diamart Connect : Ces marketplaces sont aussi de plus en plus spécialisées…
Éric Alessandri : Oui, on voit une hyper verticalisation des marketplaces dans des domaines très particuliers : certaines vendent de la farine pour les boulangers, d’autres de l’équipement pour les cuisiniers… Elles sont de plus en plus pointues et thématiques, dès lors que le marché dépasse € 100 millions de CA. C’est une tendance mondiale, que l’on observe aussi en Chine, avec des marketplaces de sociétés d’intérims ou de notaires, qui regroupent tous les acteurs d’un marché donné. Cela permet de gagner en efficacité. Je crois que cette tendance sera structurante dans le monde de demain.
Diamart Connect : Un mot pour conclure ?
Éric Alessandri : Il est essentiel d’aller vite dans le déploiement. Ma recommandation est d’accepter tous les types de vendeurs et de créer des critères à postériori. Plutôt que d’instaurer une charte très dure d’emblée, il vaut mieux aller chercher des vendeurs le plus rapidement possible puis les accompagner dans leurs KPIs de qualité de service (délais de réponse au client, de préparation de commandes, de remise au transporteur, taux de retours, taux de commandes non conformes…). Il vaut mieux avancer sur un périmètre donné, même si on n’a pas intégré la gestion des taxes internationales à Madagascar ou en Malaisie. Commencez dès que vous pouvez adresser 50 % de votre cible !