Créé en 1968, Giphar (Groupement Indépendant de Pharmaciens indépendants) est composé d’un réseau de plus de 1.370 pharmacies. Diamart Group a interviewé en exclusivité Philippe Becht, Président du Directoire.
Diamart Group : Où en est l’activité de Giphar, en ce vendredi 27 mars ?
Philippe Becht : Comme l’alimentaire, les pharmacies font partie des commerces dont l’ouverture reste autorisée. La 1ère semaine du confinement (du 16 au 21 mars en France), nous avons été dévalisés, surtout sur les produits à petite valeur comme le paracétamol. Nous avons enregistré des explosions de chiffre d’affaire de l’ordre de + 30 % à + 40 %, voire davantage certains jours. Au début de cette semaine, les ventes ont enregistré des hausses entre + 10 % et + 20 % en moyenne. Mais depuis deux jours, elles sont en creux de – 15 %. Nous devrions reprendre une activité normale prochainement.
DMG : Quels ajustements opérationnels implique la situation actuelle ?
P.B. : Nous faisons tout le nécessaire pour garantir la sécurité du personnel, notamment dans les entrepôts où nous prenons la température des salariés à l’entrée des plateformes. Nous avons redoublé d’efforts sur le nettoyage, la désinfection, la distance physique entre les salariés, même si cela n’est pas simple en pleine suractivité. Du côté du siège et des fonctions supports (soit environ 200 personnes, commerciaux inclus), nous sommes à 95 % en télétravail. Certaines fonctions sont absolument indispensables, notamment la supply-chain, les plateaux de hotline informatique et le service-client. Certains salariés peuvent continuer à travailler normalement depuis leur domicile, comme les développeurs informatiques, mais pour d’autres équipes c’est plus compliqué. Nous devons prendre des dispositions, quand cela est possible, car l’entreprise dans son entièreté n’est pas éligible au chômage partiel…
DMG : Craignez-vous des ruptures en termes d’approvisionnements ?
P.B. : Tout comme les GSA, notre activité est étroitement liée à la continuité de la chaîne d’approvisionnement. En France, il faut savoir que le marché du médicament est assez rupturiste et n’est pas privilégié par les géants mondiaux de l’industrie pharmaceutique. A l’heure actuelle, nous n’avons pas encore de ruptures d’approvisionnements. Au contraire, la situation est même plus satisfaisante que ce que nous connaissions auparavant. Certes, l’Inde et la Chine commencent à limiter certains principes actifs et molécules (antibiotiques, paracétamol) mais les industriels ont entre 3 et 6 mois de stocks. Nous ne sommes donc pas impactés, mais si ces limites perdurent, elles pourraient avoir un effet négatif sur les approvisionnements fin avril ou courant mai 2020. Et si auparavant, nous avions tendance à nous bagarrer avec les laboratoires, on constate avec soulagement qu’ils font vraiment leur maximum pour nous livrer.
DMG : La situation crée-t-elle des opportunités pour des services omnicanaux (click & collect…) ? Voire pour une activité e-commerce pour Giphar ?
P.B. : Non, il n’y a pas une demande soutenue pour l’e-commerce. En revanche, nous faisons de grandes avancées sur la transmission numérique d’ordonnances. Chez Giphar, nous avions déjà développé pour nos adhérents pharmaciens une application permettant l’envoi d’ordonnances en numérique. Dans le contexte actuel, cette application est de plus en plus plébiscitée. Etant donnée l’explosion de la fréquentation en pharmacies, elle permet à la fois de mieux gérer les flux et de mieux protéger le personnel.
DMG : Enregistrez-vous une demande accrue pour la livraison ?
P.B. : Certaines pharmacies du Groupement Giphar proposent déjà des services de livraison. En revanche, les plus petites structures (7 à 8 salariés) privilégient le click & collect. Nous avons aussi une filiale de prestations à domicile (nommée ABM Pharma), spécialisée dans les fournitures médicales et l’équipement du domicile. La demande enregistrée y est en forte hausse. La semaine dernière, l’activité d’ABM Pharma a bondi de 15 %, et cela va augmenter dans les semaines à venir. Nous commençons à être contactés par les hôpitaux pour anticiper les sorties des patients et organiser l’accueil à domicile.
DMG : Quels changements structurels observez-vous dans le secteur des pharmacies ?
P.B. : C’est la grande revanche des pharmacies de proximité, de service, dont l’activité est concentrée sur le médicament. En ce moment, la plupart d’entre elles enregistrent des CA entre +10 % et +15 %. Pour celles situées en centres commerciaux, l’activité est en négatif en raison d’accès limités, voire fermés. La situation est aussi difficile pour les grandes parapharmacies, dont l’activité repose sur la dermo-cosmétique ou le solaire…ces produits sont très peu demandés actuellement. En fin de confinement, on peut s’attendre à une hausse de l’activité promotionnelle dans ces parapharmacies, afin de déstocker..
DMG : Quelle est la stratégie promotionnelle de Giphar à l’heure actuelle ?
P.B. : Nous nous concentrons sur l’accompagnement et la délivrance des médicaments dans le cadre de la crise. Nous avons levé le pied sur les promotions de produits non remboursés, dont le poids est historiquement limité dans notre activité. Dans nos pharmacies, environ 80 % des ventes viennent de la vente de médicaments. Mais pour certains produits de consommation courante, on voit aussi les ventes décoller : c’est le cas du lait maternisé, des couches, etc. C’est sans doute lié aux enjeux d’approvisionnements dans les supermarchés.
DMG : Comment préparez-vous la reprise ?
P.B. : Pour Giphar, le plan de relance consistera à réactiver les projets faisant appel aux équipes du terrain, que l’on peut difficilement mener à bien en ce moment (évolutions de concepts notamment…). Nous avons aussi freiné quelques campagnes de communication et de promotions, qui ne sont pas opportunes dans le contexte actuel. Il s’agira alors de les relancer.
DMG : Avez-vous d’autres éléments à ajouter ?
P.B. : Je constate une véritable solidarité entre confrères, notamment avec des entreprises exerçant d’autres métiers. Un bon état d’esprit se met en place, avec pour objectif de servir à la fois les patients et les professionnels de santé qui sont sur le pont. C’est très encourageant pour notre pays !