Drôle de cadeau de Noël pour les fournisseurs de la distribution alimentaire : voici maintenant le secteur organisé autour de 4 continents de puissance similaire. Pas de panique : ces alliances ne concernent que des fournisseurs puissants, souvent globaux, qui n’ont pas vraiment une tête de victime.
Plus que leur impact sur les relations dans la filière, c’est la signification stratégique de ces alliances qui doit être relevée : elles annoncent un monde où l’âpreté de la compétition et la pression économique vont conduire à une recomposition accélérée du paysage concurrentiel. Je vois quatre phénomène se combiner :
- Sélection : l’ère des grandes faillites, des restructurations douloureuses et des friches commerciales ne fait que commencer. La capacité de résilience (tenir bon dans un environnement hostile) sera cruciale. Et plus encore, la capacité à se transformer (vision moyen-long terme) malgré la pression stérilisante du court terme.
- Concentration : l’affaiblissement de certains acteurs et la recherche « à tous prix » d’optimisation des coûts conduira à des alliances défensives (avec ou sans contrôle du capital). Certaines seront de réels succès, d’autres des assemblages peu pérennes, d’autres encore des facteurs de complexité contre-productifs. Certains secteurs sous pression et peu concentrés, comme la pharmacie avec ses dizaines de réseaux, vont ainsi connaître une recomposition accélérée.
- Invasion : de nouveaux acteurs venus l’étranger (Primark, Costco, etc.), du web (Amazon, Google, Booking, etc.) ou d’autres secteurs (Apple store, Nespresso, assureurs, etc.) viendront challenger les vieux modèles en devenant retailers eux-mêmes, ou en changeant les règles du jeu (market places…). Ils seront souvent plus innovants que les retailers historiques, qui peinent à sortir des schémas mentaux forgés dans les années 70.
- Réinvention : certains « vieux » retailers trouveront toutefois la force de se réinventer. Les raisons d’y croire sont nombreuses : les succès d’E.Leclerc champion du monde du drive ; Carrefour qui repasse en mode « R&D » ; le foisonnement créatif permanent de Leroy-Merlin ; ou les mini-révolutions réussies chez Darty. Il ne suffit pas d’être audacieux pour se réinventer, comme l’a montré l’échec de Vivarte… mais il est impossible de se réinventer sans audace !
Les alliances dans la distribution alimentaire dureront… ou pas. Dans leur format actuel, elles ne changent rien de fondamental : les quelques dizaines de millions d’euros de ristournes additionnelles ne modifieront pas les rapports de force. Elles ne deviendront structurantes de l’avenir du secteur que si elles se prolongent par des bascules d’enseignes, des mutualisations logistiques ou des mutualisations du sourcing. On n’en est pas là, et certains de ces couples insolites ont peu de chances de s’y risquer un jour.
Mais symboliquement, par les masses économiques en jeu et leur visibilité politique, elles resteront comme l’un des marqueurs historiques du changement de cycle dans la distribution.