La majorité des retailers sont conscients de devoir conduire une transformation profonde. Il faut certes continuer de faire mieux ce qu’on fait depuis longtemps, mais aussi initier des changements difficiles. Ils ne relèvent pas toujours d’exaltantes innovations : le plus souvent, il s’agit de fermer une partie des magasins, de mettre à niveau les SI ou d’investir pour développer des ventes online pourtant moins rentables.
Cette transformation est couteuse. Pour nombre de retailers, la mener à bien à une vitesse suffisante consommerait l’essentiel de l’EBITDA pendant plusieurs années. Autant dire que les actionnaires refusent de financer ces plans et préfèrent garder la tête dans le sable. Car ce refus de financer la transformation relève évidemment du déni.
Pourtant les marchés financiers sont enclins à financer la transition digitale : ils sont même d’une incroyable prodigalité envers les pure players. Alors pourquoi refusent-ils de financer la transition digitale des retailers historiques ?
Parce que tout le monde fait semblant de croire que ces derniers ont encore une valeur. Explication : imaginons un retailer qui réalise 300 M€ de CA et dégage 20 M€ d’EBITDA. Comme tout le monde, il souffre et son EBITDA est sous pression… mais s’éroder n’est pas s’effondrer. Ce retailer fait réaliser une revue stratégique par un grand cabinet de conseil anglo-saxon qui conclura évidemment que l’EBITDA peut se redresser et que ce retailer vaut encore beaucoup d’argent, disons 150 M€. Quel actionnaire accepterait dans ce contexte d’investir les 50 à 100 millions nécessaires pour transformer le modèle ?
Pourtant sans cette transformation, ce retailer va mourir. Sans ces 50 à 100 millions, il ne vaut rien. Zéro. Un cadavre qui n’a pas encore conscience d’être mort. Dépenser ces millions ne détruit pas de valeur : cela construit la valeur de demain d’une entreprise qui, sinon, n’en a aucune. En d’autres termes : c’est parce que les retailers font semblant de croire qu’ils valent encore quelque chose qu’ils s’interdisent de réaliser les investissements nécessaires à leur survie. La solution n’est pas simple : quel PDG osera dire à ses actionnaires que, surprise, l’entreprise ne vaut pas 150 M€, mais zéro ?
Mon propos vous semble défaitiste ? C’est tout le contraire. Je crois absolument qu’il est possible de transformer avec succès les retailers historiques. Mais je crois aussi que dans bien des cas, cela nécessite un effort financier que les actionnaires, la tête dans le sable, rechignent à consentir.
Ça me rappelle Greta Thunberg. Les imbéciles qui dénigrent cette jeune femme vivent dans le déni et lui en veulent de chercher à les réveiller. « Quand on lui montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Nos civilisations, comme le retail, vont devoir conduire des transformations profondes et coûteuses. Comme on ne voit pas comment assumer cela devant nos actionnaires (les électeurs), on fait semblant de croire que nous pourrons survivre en faisant l’économie de ces transformations.
C’est stupide. Mais c’est rassurant. Quand on ne voit pas comment régler un problème, on évite de l’aborder, et espérons que cela suffira.
Vous voulez mon avis ?
Ça ne suffira pas.
Et maintenant, dépêchons-nous d’oublier tout cela et… go to the beach !