Phénomène émergent du commerce, les magasins associant plusieurs marques complémentaires, connues séparément, sont en plein développement.
Rassembler différentes enseignes sous un seul toit n’est plus l’apanage des grands magasins. Cela devient une nouvelle piste pour le commerce de proximité. Partant du principe que l’union fait la force, les acteurs associant leurs noms et leurs produits dans certains lieux, tout en continuant en parallèle à avoir une vie séparée, se font plus nombreux. Un signe de l’évolution du commerce.
La naissance de Savour Histoires de Gourmet symbolise bien le mouvement. La nouvelle enseigne réunit trois maisons, appartenant à des groupes différents et bien installées, chacune, dans leur spécialité. Le caviste Nicolas, le spécialiste de l’épicerie fine Comtesse du Barry et le chocolatier De Neuville viennent d’ouvrir à Vichy dans l’Allier le premier magasin du genre proposant une sélection de leurs produits. L’objectif est d’être présent dans des localités où les marques n’auraient pas vocation à être seules. Et d’animer les centres-villes.
Dans le concept-store, chaque griffe a sa zone identifiée. Mais des ponts sont faits entre les produits, un vin pouvant s’associer à un foie gras ou à des chocolats. Au centre sont réalisées des corbeilles à offrir en piochant dans les différents univers. Ce magasin vichyssois a valeur de test et permettra d’ajuster le concept. D’autres suivront, à un rythme encore non défini.
Décloisonner les magasins
« Partant des styles de vie des consommateurs, les enseignes veulent décloisonner les magasins et proposer de nouveaux formats. La mutualisation permet de contrer l’érosion du trafic et de retrouver des clés pour émerger face à la concurrence », note Cédric Ducrocq, PDG fondateur du cabinet Diamart Consulting dédié au commerce.
L’alliance de noms facilite la découverte. C’est ce sur quoi table La Manufacture Cluizel. Le chocolatier a fait des ponts avec la maison de thé Betjeman & Barton , entrée dans le giron du groupe familial à la rentrée, et avec le pâtissier Philippe Conticini, qui a récemment ouvert la boutique Gâteaux d’Emotions et en prévoit vite d’autres. La concrétisation la plus visible a lieu dans La Petite Manufacture Cluizel rue des Rosiers à Paris. L’espace salon de thé présente une sélection des produits Betjeman & Barton et des gâteaux de voyage signés par Philippe Conticini.
Déployer des synergies
« On est toujours plus fort à plusieurs. La clientèle pour le thé est très proche de celle du chocolat. Et l’univers de la pâtisserie se montre complémentaire », détaille Marc Cluizel, directeur général. De son côté, Philippe Conticini commercialise les chocolats Michel Cluizel tout comme le fait Betjeman & Barton. « Lorsqu’un consommateur fait confiance à une maison, il s’intéressera aussi à ce qu’elle a sélectionné par ailleurs. Il s’agit de faire croître mutuellement la notoriété des marques », ajoute Marc Cluizel.
C’est ce même type de synergie qui transparaît dans la nouvelle adresse que la chocolaterie A la Mère de famille et le pâtissier Stohrer ont ouvert en commun rue Cler à Paris. Une concrétisation du rachat en 2017 du second par la famille Dolfi , propriétaire du premier. Les deux noms sont associés aussi bien en vitrine que sur les sacs. Et une pâtisserie spéciale a été créée pour le lieu.
Miser sur des thématiques
L’alimentaire est l’une des pistes les plus explorées, l’offre étant facilement complémentaire. Mais il existe d’autres terrains favorables. « Les formats communs se développent aussi dans le textile, avec la création de « market places » physiques. Les acteurs ont conscience qu’il faut donner envie aux clients de sortir de leur canapé d’où ils commandent en ligne », constate Cédric Ducrocq. A l’instar de Vib’s, enseigne du groupe Beaumanoir qui rassemble les offres de Cache Cache, Bréal et Bonobo.
Il est également symptomatique que l’un des projets de reprise de Toys’R’Us France , celui d’Orchestra, ait proposé d’associer aux jouets du textile pour enfants et de la puériculture. Même s’il n’a finalement pas été retenu. « Construire, on-line et off-line, des destinations thématiques en mettant ses forces en commun fait sens », estime Cédric Ducroq. Cette piste donne aussi le sentiment d’une offre élargie sans pour autant démultiplier les surfaces.