La conférence Retail Project organisée par le Groupe Diamart la semaine dernière a mis en évidence trois raisons d’espérer et 3 urgences.
3 raisons d’espérer :
La vitalité du retail français, qui innove enfin. Les concepts hybrides se multiplient (cf les deux inventeurs présents au Retail Project : Franck Millet pour Otop, et Paul Morlet pour Lunettes pour tous)
La clarté des partis pris des grands acteurs : sérénité des Mousquetaires ancrés sur leur raison d’être, la proximité ; focalisation d’Unibail sur les lieux de destination ; radicalité des concepts innovants, avec souvent le prix et la rapidité au cœur de la promesse…
Le lancement de projets ambitieux de transformation, tels ceux que nous menons actuellement avec Les Mousquetaires (transition digitale), Camaïeu (Vision Magasin 2025), Euromaster (stratégie digitale et CRM), etc.
3 urgences :
Clarifier la transition digitale et plus largement la transition technologique : si le « pourquoi accélérer » ne fait plus débat, le « sur quoi accélérer » reste souvent un dilemme, et le « comment accélérer » une énigme
Clarifier la roadmap datas : les résultats de l’étude conduite par Diametrix sur les priorités datas des retailers montrent à quel point la cible reste floue, et le chemin plus encore
Clarifier les organisations pour mettre en œuvre efficacement ces priorités
Comment procéder concrètement ?
1. Baliser le terrain de jeu :
Au-delà des évidences (site marchand, CRM…), les roadmaps digitales et datas concernent potentiellement toutes les composantes du modèle opérationnel.
Ex : la transition digitale ne peut ignorer la plateformisation des business models, les enjeux du paiement, l’opportunité de coconstruire avec les clients (et les employés), le digital instore, le dernier kilomètre… pour les Mousquetaires, nous avons ainsi identifié une trentaine d’enjeux, dont aucun ne semble a priori superflu
Ex : en matière de datas, même approche : au-delà des usages évidents (CRM, parcours clients…), les meilleurs paybacks de la data résident souvent dans la prévision des ventes, l’optimisation du pricing ou des gammes, l’affinement du maillage de réseau, etc. Au total, 22 usages de la data sont évalués dans l’étude Diametrix (et ce sans inclure les sujets back office !).
2. Benchmarker le champ des possibles :
par le décodage des meilleures pratiques d’autres retailers, et par recensement des technologies et solutions existantes ou émergentes. Analyser ce qui est possible ne donne jamais de réponse sur ce qu’il faut faire, mais aide à comprendre ce qui est possible. En cette période d’innovation technologique débridée, cela incite aussi à « oser », à imaginer des applications radicales que la simple recherche d’amélioration de l’existant n’aurait pas identifiées.
3. Evaluer chaque champ d’application :
cohérence avec la stratégie globale et les atouts concurrentiels ; impact potentiel sur le modèle économique ; degré de maturité à date ; coût (direct, mais aussi coûts de complexité) et difficulté (technique, opérationnelle, culturelle) ; etc. Sans surprise, les sujets à fort enjeu économique sont rarement les moins complexes et les moins
exigeants !
4. Prioriser les investissements :
Tout semble important, voire nécessaire… et pourtant, impossible de tout faire en même temps. Faut-il mieux distribuer des tablettes aux vendeurs, investir en trafic, replateformer, créer une communauté, lancer une marketplace d’enseigne ? Faut-il mieux s’équiper en vision unique enrichie du client, adopter un pricing dynamique, se doter d’un moteur de recommandation à très forte prédictivité ? Choisir c’est renoncer : c’est douloureux, et c’est indispensable. Au final, la priorisation consiste souvent à se demander « à quoi puis-je renoncer sans affaiblir l’ensemble de ma stratégie » ?
5. Traduire cette priorisation en roadmap :
intégrant les adhérences entre projets et les délais de développement. En gérant le bon degré d’agilité : avancer vite avec des POC, oui ; multiplier les tests qui dispersent l’énergie, sont rarement conclusifs et parfois difficiles à réintégrer dans la stratégie, non !
Traduire la roadmap en organisation. Faut-il un patron digital au sens large (en charge de la transition digitale) ? Ou un patron e-commerce focalisé sur les opérations ? Quel partage des rôles entre marketing, CRM et digital ? Qui est garant in fine de l’expérience clients omnicanal ? La data est-elle un sujet régalien (pas trop loin du DG), un sujet technique (donc à la DSI), un sujet métier ? Faut-il une équipe de data scientists centralisée, ou des data scientists au sein de chaque service ? Faut-il recruter au risque de se tromper, ou externaliser au risque de ne pas capitaliser ? Il n’existe aucune réponse générique à ces questions – ni aucune réponse définitive. A tout le moins, il faut de la clarté, du décloisonnement et du pragmatisme. Et puis de l’argent, aussi…
Ce n’est que sur base d’une roadmap raisonnée que les dirigeants pourront passer d’une posture réactive (répondre aux multiples sollicitations non priorisées) à un véritable pilotage de la transition.
Truismes que tout cela ? Sans doute… Mais alors pourquoi cette priorisation digitale et data n’est-elle pas déjà réalisée chez tous les retailers ? Aucun de nos clients n’a, disons-le sans fard, une vision claire et stabilisée sur tous ces sujets. Du moins quand ils commencent à travailler avec nous… après en principe, ça va mieux ;-).
Au final, et c’était clair durant Retail Project, tout cela passe par un engagement direct des dirigeants. Certes, ils sont rarement en zone de confort dès qu’il s’agit d’arbitrages digitaux ou technologiques. Certes, ils n’ont pas vocation à devenir des experts de ces sujets complexes. Mais ils ne peuvent plus s’exonérer de les comprendre. Puisque la transition digitale impacte le cœur de métier (et plus seulement la BU e-commerce), elle intègre du même coup la fiche de poste des dirigeants. Rien d’insurmontable : il faut surtout réapprendre à apprendre, avec le bon dosage d’humilité et d’exigence (zero bullshit !).
Avanti ! On va bien s’amuser…