Le modèle des pure players est de combiner une offre immense avec une recommandation personnalisée basée sur la data. Comment les magasins, à l’offre forcément plus pauvre, peuvent-ils rivaliser ? Voici comment une approche réinventée des politiques d’offre peut transformer ce dilemme en atout pour les retailers classiques.
Le retailer est un sélectionneur. Son rôle est de sculpter un assortiment cohérent, conciliant attentes des clients et exigences économiques, grâce à un savant dosage d’expertise produit, de raison sensible et de méthodologie rigoureuse. Ce que les anglo-saxons appellent la curation : la sélection soigneuse, optimisée, subtile, des produits les plus adaptés.
Amazon et les pure players se moquent de la curation : ils ne revendiquent pas une compétence de sélectionneur, puisqu’ils visent un référencement exhaustif. Et pour aider le client à se repérer dans ce choix immense, ils utilisent… vos datas. Une curation personnalisée.
Pourquoi ça fait peur ?
On a donc deux conceptions opposées des politiques d’offre :
En résumé :
- Le retailer sélectionne son offre, donc appauvrit le choix, puis laisse le client se débrouiller.
- Le pure player référence tout, et en extrait la référence la mieux adaptée au client. Le choix est beaucoup plus large, la personnalisation beaucoup plus précise.
Cette personnalisation repose sur la data clients et non sur l’expertise produit, d’où l’obsession des pure players pour la data : je suis l’univers des possibles donc pas la peine d’aller voir ailleurs ; je te connais donc je sais ce dont tu as besoin. On passe de « tout » à « toi » sans intermédiaire.
Evidemment, tout cela ne vaut que si la personnalisation est pertinente. On n’en est pas là : tout client d’Amazon sait que trouver « ze » produit reste un challenge. La personnalisation online est sophistiquée quand on parle DMP et retargetting… beaucoup moins quand on parle d’offre.
Pourquoi ? La personnalisation par la data repose sur un principe simple : au travers de ton comportement passé et de celui des consommateurs qui te ressemblent, je peux deviner ce qui te plaira. La prédictivité est bonne pour les produits d’achat fréquent et/ou soumis à un fort mimétisme social. En revanche, dès que l’intensité émotionnelle ou la complexité des usages augmentent, il devient aléatoire de prévoir les décisions d’achat sur la seule base des comportements passés.
Exemple : me proposer une idée de menu pour dimanche midi sur la base de mes achats passés, c’est assez facile. Me recommander le modèle de chemise qui me plaira, idem. Mais me conseiller sur l’achat d’un lave-linge ? ou d’une tenue pour un mariage ? La prédictivité est et restera médiocre.
Pourquoi c’est porteur d’espoir :
Améliorer la prédicitivité (la pertinence de la personnalisation) suppose d’associer finement un produit à des goûts et attentes spécifiques d’un client. Ce qui passe par un contenu riche sur chaque références (fonctionnalités, style, etc.). Or qualifier sa base article est bien plus facile pour un retailer qui propose quelques milliers de références (a fortiori s’il les conçoit lui-même), que pour un pure player qui en référence des millions. Décathlon est mieux à même qu’Amazon de me recommander « le » bon produit pour moi, non parce qu’il me connait mieux, mais parce qu’il sait exactement quel produit correspond à quel usage.
Le magasin de demain conciliera le meilleur des deux mondes. Il offrira un choix très profond (via des extenseurs d’offre plus stimulants qu’un écran de smartphone) et plus de personnalisation (en croisant vos datas avec une base article très qualifiée). Il préemptera ainsi les atouts des pure players pour les retraduire de manière plus pertinente pour les clients, tout en conservant ses atouts historiques (toucher-voir-essayer).
Exemple de parcours clients réinventé : d’abord une phase de découverte-stimulation large et ouverte, pourquoi pas à base de réalité virtuelle ou d’hologrammes ; puis une phase de curation personnalisée nourrie par la data clients et produits ; puis une phase d’appropriation-validation du choix. Livrez-vous à l’exercice sur vos magasins : c’est inspirant, et ça rend optimiste. Contrairement à l’idée reçue, les magasins ne deviendront pas de simples lieux relationnels (donc impossibles à rentabiliser) : leur vocation restera avant tout transactionnelle, dédiée à la rencontre entre le client et le produit… mais de façon profondément différente.
Si j’étais retailer, c’est à cela que je consacrerais mes budgets de R&D. Oh, vous n’avez pas de budget de R&D ? L’avenir est ouvert. Si vous voulez qu’il vous soit favorable, le plus sûr est encore de l’inventer vous-même.
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