Nous revenons du World Retail Congress, le Davos du retail, où nous avons passé 3 jours à écouter des dirigeants du monde entier partager leurs stratégies. Et comme disait Barbara, « pardon de vous le dire, mais je reviens ce soir le cœur égratigné et j’ai le désespoir ».
Ou du moins, un gros doute. Les dirigeants présents, pour la plupart anglo-saxons, disent tous la même chose. Ça devrait donc paraître crédible… sauf qu’on en revient avec plus de questions que de sérénité quant à la clarté de leur vision.
Les plus convaincants sont les pure players (tel le CEO d’Ocado), qui tiennent un discours froid de « machine de guerre ». Ils vantent l’efficience de leurs process, le gigantisme et la productivité de leur entrepôts, l’optimisation des politiques par l’exploitation prédictive des datas clients. Ils ne disent pas en quoi ils rendent le monde meilleur, je pense que cela ne les intéresse pas. Entraînés par Amazon, ils se revendiquent en prédateurs, mais en prédateurs diablement crédibles. Ça fait un peu peur…
A l’inverse, les retailers de l’ancien monde sont affligés d’un syndrome de pensée unique et peu consistante. Leur discours s’articule en trois volets :
- Vive l’expérience clients : c’est la bonne nouvelle, tout le monde en parle. Et en particulier, de la connexion émotionnelle aux clients via l’expérience en magasin, grâce au personnel. Le problème est qu’ils ne disent rien sur le « comment ». Ils ont bien compris qu’ils devaient justifier le magasin physique par son meilleur atout, mais pour le moment cela relève de la méthode Coué plus que du plan d’action.
- Vive le story-telling : c’est américain. Ils ont toujours été champions du monde pour raconter des histoires, et on sait à quel point c’est précieux en retail. Le problème : ils parlent beaucoup des signes, des discours… et très peu des preuves. Autant dire, ils parlent de la mousse.
- Vive la data : c’était prévisible, « la data sauvera le retail de demain en permettant de personnaliser l’expérience clients ». Mais passé ce postulat, on reste sur notre faim : on voit bien comment la data permet de personnaliser l’expérience en digital… mais dans un magasin physique, de quoi parle-t-on concrètement ? a fortiori alors qu’on dit vouloir prioriser l’émotionnel au travers du personnel ? en quoi la data aide-t-elle à mettre de l’émotionnel en magasin ?
Assez de lieux communs : on mélange tout.
Oui, le personnel est au centre de la réussite et porte la dimension émotionnelle… à condition de lui en donner les moyens, autant dire qu’il y a du chemin à faire quant à la culture client des entreprises.
Oui, le story-telling peut aider… mais le client ne vient pas en magasin assister à une pièce de théâtre, il vient interagir avec des produits. Or personne au WRC n’a parlé de la rencontre clients-produits en magasin. C’est sans doute un sujet trop commun, trop vulgaire ?
Oui, le story-telling peut aider… mais le client ne vient pas en magasin assister à une pièce de théâtre, il vient interagir avec des produits. Or personne au WRC n’a parlé de la rencontre clients-produits en magasin. C’est sans doute un sujet trop commun, trop vulgaire ?
Oui, la data sera essentielle pour optimiser la performance (culture ROIste d’allocation des investissements marketing)… mais non, elle ne sert pas à personnaliser l’expérience clients en magasin.
Les retailers sont sous pression des pure players et de la baisse des rendements : ils ont peu de temps et d’argent à gaspiller pour des lubies ou des phrases creuses. Il faut aller vite, et investir sur les bons sujets…