Historiquement, la distribution était le pont entre industriels et consommateurs : un facilitateur d’accès. L’enjeu était de répondre efficacement aux besoins. Toute la galaxie Mulliez est ainsi née de cette époque, avec des valeurs de démocratisation de la consommation. Amazon est, 40 ans plus tard, une forme ultime de cette ambition.
Quand les produits conçus par les fabricants étaient insuffisants ou peu rentables, les retailers ont appris à concevoir eux-mêmes les produits, avec les marques propres voire une reconception radicale des filières. L’enjeu est devenu la compréhension des usages. Ikea, Décathlon ou Picard en sont des exemples admirables.
Dans le même temps, ils ont dû apprendre à susciter le désir puisque la réponse aux besoins ne suffit plus. Les meilleurs retailers sont devenus des marques à forte intensité marketing et des lieux à forte commercialité. Avec des leviers très différents, de Wholefoods à Venteprivée.com en passant par Topshop.
Voilà qui fait beaucoup, puisque ces compétences doivent coexister au sein d’organisations forcément plus complexes. La majorité des retailers sont loin de maîtriser ces défis… alors que déjà s’annonce le prochain. Il sera, comme souvent dans le retail, la traduction commerciale de changements sociétaux plus larges.
Le prochain défi posé aux retailers est ce que, faute d’avoir trouvé mieux, nous appelons « l’horizontalité » de la relation entre la marque/le retailer et son client/consommateur : la fin de l’arrogance de marque et de la rigidité des process s’imposant au client pas du tout roi.
Je ne parle pas de tactiques marketing artificielles, du type génération de likes sur facebook. Je ne parle pas (ou pas seulement) des programmes relationnels, des codes publicitaires ou de l’attitude des vendeurs en magasin. Et je ne parle surtout pas de cette obsession de « l’expérience » en magasin, qui est le plus pathétique des cache-misères. Les gens ne viennent pas dans vos magasins pour vivre une expérience de shopping. Cela peut vous faire préférer face à vos concurrents, mais ce ne saurait constituer votre raison d’être.
Le défi du retailer, ce n’est pas de rendre agréable le temps des courses. C’est d’aider le client-consommateur à obtenir plus de satisfactions des produits et services qu’il choisit, en adoptant le modèle relationnel qui va l’y aider. Cela commence bien avant la visite au magasin (ou au site marchand) et cela continue bien après. Un retailer est bien plus qu’un revendeur de produits.
Trois exemples parmi d’autres de concrétisations de ce renversement :
• Les magasins-ateliers (comme Zodio, Leroy-Merlin ou Cultura) où on sait à la fois prendre le client pour ce qu’il est (et non pour l’image stéréotypée qu’on s’en fait), mais aussi l’aider à progresser, à changer, à entreprendre.
• La mise en place de systèmes d’écoute permanente des clients, qui permettent au-delà des « études marketing », de brancher l’entreprise sur la voix des clients, à tous les niveaux.
• Toutes les formes de flexibilité voire de personnalisation de la proposition de valeur (et pas seulement de personnalisation du produit)
Être en retard sur ce phénomène n’est pas mortel, du moins pas encore : les défis précédents n’ont pas disparu, et il reste beaucoup à faire pour y répondre. Mais le prochain défi est maintenant identifié. Les moyens d’y répondre… disons que certains essaient de les inventer, car il serait présomptueux de dire qu’on en a fait le tour ! En attendant d’en parler lors de notre Conférence du 2 février, je vous souhaite à tous beaucoup d’insouciance et de bonnes surprises.
Article très intéressant. En 2015, nous avons été sollicités à plusieurs reprises concernant la création d'un poste de Directeur de l'expérience client. Il existe une vraie réflexion mais qui n'est souvent pas aboutie. Les missions et les périmètres de cette nouvelle fonction sont très diverses.
Edouard-Nicolas DUBAR
Headlight International – Executive Search Retail