Le 22 octobre, Amazon a organisé pour les équipes du Groupe Dia-Mart et quelques dirigeants du retail, une visite de son plus gros entrepôt français (90 000 m2). Nous en sommes revenus évidemment bluffés… et éclairés sur ce qui fait le succès de cette entreprise.
On a souvent dit qu’Amazon est le meilleur logisticien du monde. Mais ce n’est pas lié à ses entrepôts, ou du moins pas au traitement du flux marchandises. L’entrepôt est professionnel, moderne, efficace, bien pensé… mais il n’est pas fondamentalement différent de ceux des concurrents. Il est même nettement moins mécanisé que nombre d’entrepôts récents.
La vraie différence est l’extraordinaire intégration et fiabilité de la chaîne de traitement de l’information. Trois exemples :
- La première fois qu’un produit est traité par un entrepôt, il est scanné en 3D et pesé, puis entré dans la base article. Jusque là rien de nouveau… sauf que cette base article contient 200 millions de skus, et est mondiale. Quand en bout de chaîne de préparation, le contrôle des colis avant expédition repère un carton dont le poids n’est pas cohérent avec son contenu (« ça devrait peser 1,6 kg, or ça pèse 1,8 donc on ouvre et on contrôle »), le poids des produits a peut-être été renseigné à Osaka ou Orlando.
- Quand un produit est scanné sur le quai de réception, le stock annoncé aux clients sur le site est immédiatement ajusté : le produit est encore sur le quai, mais déjà visible par les clients.
- Le stockage aléatoire des produits dans l’entrepôt (il n’y a pas une zone « papeterie », « jouets » ou « BD » : les produits sont volontairement répartis un peu partout, le stock d’une même référence est réparti dans plusieurs endroits éloignés de l’entrepôt) permet d’optimiser le remplissage et de raccourcir les tournées de picking… mais suppose que l’information sur « dans quel casier puis-je trouver cette sku, parmi les 3 millions que compte l’entrepôt » soit d’une fiabilité totale.
Quand je pense que chez la plupart de nos clients retailers, on a déjà du mal à avoir des remontées de caisses propres, sans parler d’une information fiable sur la DN, les ruptures ou les ML à la catégorie… Hervé Parizot (patron du e-commerce de Carrefour, ex-Vente Privée, pas exactement un débutant dans le domaine…) me disait en sortant de l’entrepôt : « c’est le fruit de 15 ans d’amélioration permanente de leurs systèmes. Ils ont 15 ans d’avance sur la plupart des retailers français… ».
Qu’en conclure ? Au fond, cet entrepôt est juste un concentré de bon sens : pas besoin de statistiques prédictives et de drones pour être le meilleur logisticien du monde. Amazon a « tout simplement » défini la façon dont ça devrait marcher pour optimiser l’efficacité au service des clients ; et ils l’ont fait, en développant (100% en interne) les systèmes d’information adéquats. Parce qu’Amazon est avant tout une entreprise de technologie, les SI ne sont pas un coût, mais un actif. Ils sont l’équivalent du réseau de points de vente chez les retailers classiques. Quand vous créez un nouveau magasin, ça coûte cher, mais vous n’avez pas l’impression que cela vous appauvrit, au contraire. Chez Amazon, quand on investit dans les SI, c’est pareil : on est convaincu de conforter la valeur de l’entreprise.
Cette inversion du rapport à la technologie est quasi-épistémologique : la génération millénium (et des américains…) ont une foi absolue dans la capacité de la technologie à résoudre tous les problèmes. Et elle rappelle aux retailers français que s’ils continuent à faire leur métier de manière « traditionnelle », il leur arrivera ce qui arrive à toutes les formes de commerce traditionnel…
Et si on accélérait un peu ?