Les espèces n’évoluent pas de manière linéaire : périodiquement, la faune est profondément renouvelée. Ainsi à la fin du Crétacé, avec la disparition des dinosaures.
Le commerce évolue de manière similaire. La décennie 70 a bouleversé les formats et les acteurs, puis les changements sont devenus plus progressifs pendant 3 décennies. L’absence de ruptures a permis à (presque) tous les acteurs d’accompagner le mouvement : dans la plupart des secteurs, le podium actuel est similaire à celui des années 90.
Cette époque est révolue, comme en témoigne la multiplication des défaillances et « alertes rouges » dans la distribution française. Virgin, Games, Surcouf ou Chapitre ont été les premières victimes de la digitalisation et du e-commerce. D’autres ont senti le vent du boulet, voire se battent encore pour leur survie : Camaïeu, Jardiland, Nalods, Fly, Géant Casino, Vivarte, Dia, etc. Et dans leur cas, le e-commerce ne joue aucun rôle.
Les causes sont souvent multiples : retournement de marché non anticipé, erreur de positionnement, inertie, errements de gouvernance, etc. Mais le vrai problème est ailleurs : la surface commerciale totale augmente de 3% par an en France, alors que les marchés sont stables en volume, et que le e-commerce prend 0,5 à 1 point de part de marché par an. Autrement dit : le CA/m2 (à surface comparable et en euros constants) baisse de près de 4% par an. Aucun modèle économique n’y résiste durablement.
So what ?
Ce qui ne marchera pas : serrer les dents, serrer les coûts et serrer les fesses en attendant que la crise se termine. Pas de chance : ce n’est pas une crise, et il n’y a aucune raison que cela se termine. Il faut donc trouver une sortie par le haut, s’adapter pour s’inventer une nouvelle niche écologique pérenne.
Pourquoi le formidable machérode (tigre aux dents de sabre) a-t-il disparu, quand les tortues, pieuvres et autres escargots franchissent les ères géologiques malgré un profil a priori moins attractif ? Sans doute n’a-t-il pas su répondre aux deux questions suivantes :
· « à quoi servez-vous sur votre marché ? » : il n’y a plus de place pour des réponses molles, sur des marchés encombrés où les clients procèdent à des arbitrages défavorables aux dépenses commercialisables. À quoi sert La Halle, entre Kiabi, Primark et H&M ? à quoi sert Fly, entre un Conforama recentré sur le contemporain et un Ikea qui descend vers les villes moyennes ? Le diagnostic est posé, et les dirigeants travaillent à chercher les réponses. Certains les trouveront…
· « êtes-vous capables d’accélérer ? »: les Nouveaux Barbares sont plus maigres, plus affamés, plus méchants. Leurs organisations ont moins de gras, et leurs équipes plus d’audace. Leurs SI sont plus modernes, et leurs actifs moins pesants. Pour survivre à l’invasion, les bourgeois doivent se remettre au sport, réapprendre à se mettre sous tension, à agir vite, à assumer des changements douloureux.
Et puis…peut-être le machérode n’avait-il pas choisi les bons consultants 😉 ?